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INTERVENTION DE STÉPHANE MAYER

PDG DE NEXTER
Stéphane MAYER, CEO dans l’Aéronautique et la Défense, est aujourd’hui PDG de NEXTER. Stéphane MAYER a une grande expérience de pilotage de sociétés internationales : dans le groupe Airbus, il a dirigé EADS Socata, constructeur des avions TB et TBM, puis ATR, leader mondial des avions régionaux turbopropulsés. Il a ensuite été président de l’activité aéronautique et défense de Daher, et retrouvé ainsi la famille TBM. Pilote privé actif, il est qualifié IFR et TBM.
Bonsoir à tous. C’est un plaisir et un honneur d’être ici, non seulement d’être ici mais aussi de commencer. Si j’ai bien compris je suis le premier ce soir du cycle de conférences, et c’est la première. Je ne savais pas. C’est plus facile le premier finalement parce que comme cela on évite les redites ! J’ai mis quelques images en réfléchissant sur le thème de la soirée qui est « similitudes entre le pilotage et la gestion d’entreprises » notamment, pour ce qui me concerne, le secteur aéronautique et la défense, mais pas seulement. Alors évidemment le premier sujet qui vient à l’esprit c’est que :

NO PLANE, NO GAIN : L’AVIATION PRIVÉE C’EST D’ABORD UN MOYEN DE TRANSPORT QUI PERMET DE GAGNER DU TEMPS

Quel que soit le genre d’entreprise que l’on dirige, l’avion, l’aviation privée c’est d’abord un moyen de transport qui permet de gagner du temps et qui permet de gagner de l’efficacité.

Et en particulier j’étais frappé par les campagnes qui peuvent exister et la différence de mentalité qui peut exister entre certains pays comme les États-Unis et la France.

Aux Etats-Unis, il y a une association très puissante qui s’appelle National Business Aircraft Association, qui a fait une campagne extrêmement positive et puissante sur le thème « No plane, No gain » : Vous n’utilisez pas l’avion, vous êtes moins efficace que ceux qui l’utilisent. Je trouve cela extrêmement positif, et notamment avec toute une série d’affiches et de campagnes de publicité. Parmi celles que je préfère il y a celle où l’on voit Neil Armstrong qui dit :

« Vous pouvez toujours envoyer des e-mails ou faire des conférence calls, il n’y a rien de tel que d’y être. Croyez-moi !» et vous avez la lune en arrière-plan, il sait de quoi il parle.

DAVID CONTRE GOLIATH/LE PATRON DE PME QUI UTILISE UN PETIT AVION CONTRE LE PDG DE GRAND GROUPE EN AVION DE LIGNE

Pour se rapprocher un peu plus de notre quotidien, une autre affiche que j’aime bien, c’est celle où l’on voit un chef d’entreprise à l’image de David contre Goliath – David utilise une fronde et une pierre pour vaincre Goliath – et c’est donc l’image du patron de PME qui utilise un petit avion pour gagner du temps et pour être plus efficace et aller prendre des parts de marché aux grands.

J’avais lu dans un journal qu’en Finlande, c’est le premier ministre qui pilote son avion. Le journaliste français avait retenu que ce monsieur qui s’appelle Juha Sipilä, qui était 1er Ministre de 2015 à 2019, non seulement adorait prendre les commandes de son Jet pour se déplacer, y compris pour des voyages officiels, mais que pour associer cette efficacité à une autre démarche de recherche d’économies et de rigueur, c’est lui qui paie la facture.

Alors qu’en France, lorsqu’on parle d’aviation privée, il y a souvent une connotation assez négative, et on risque hélas de s’attirer des remarques désagréables.

PARTAGE DES DÉPENSES DE PILOTAGE ENTRE PRIVÉE ET ENTREPRISE

J’en tire une recommandation : c’est que dans la mesure du possible et en fonction de l’entreprise dans laquelle on travaille, il peut être pertinent de partager les dépenses entre la personne privée sur son budget de pilotage et l’entreprise, pour éviter des critiques qui arrivent vite.

CONNAISSANCE DU PRODUIT POUR SE METTRE À LA PLACE DU CLIENT

L’intérêt d’être un pilote quand on est dirigeant d’une société d’aéronautique qui fabrique des avions, est assez évident, et vous pouvez le deviner, il tourne autour de la connaissance du produit, de la participation – accompagné évidement d’un pilote d’essais – aux essais des prototypes, aux essais des premiers de série, de la conduite les projets en donnant son avis, en se mettant un petit peu à la place du client.

« une chance, à titre individuel, un vrai bonheur professionnel, d’allier sa passion et son travail »

Je pense que c’est quelque chose que tout chef d’entreprise doit faire : « qu’est-ce que mon entreprise doit faire pour plaire à mon client ? » Alors quand on est soi-même le client, et ça a été mon cas avec le TBM, qui est à la fois, je pense un gage de valeur ajoutée mais aussi une chance, à titre individuel, un vrai bonheur professionnel, d’allier sa passion et son travail.

Je me suis permis de montrer quelques souvenirs un peu marquants.

quand j’étais à la tête de SOCATA, lorsque nous avons sorti le modèle TBM 850 en 2006. Ensuite j’étais à la tête d’ATR lorsque nous avons lancé l’ATR -600 Glass Cockpit, et en particulier quand le chef pilote, Eric Delesalle , voulait me faire participer à l’arrosage au champagne : premier vol en juillet 2009 et puis nous avons également lancé, lorsque je suis revenu chez Daher, le TBM 900, en 2011 et nous l’avons développé dans le plus grand secret pour le sortir finalement en mars 2014.

autre exemple en juillet 2007, cela m’a fait super plaisir quand le chef pilote Christian Briand m’a dit « viens, on va essayer le dernier prototype du TBM 850 G1000 » – celui qui est sorti à la fin de l’année 2007 – c’est un prototype parce que, vous voyez, il n’avait pas l’habillage, donc ça c’était un vol magnifique. On pouvait vérifier que tout ce qu’on avait décidé, testé, mis en œuvre atteignait toutes les espérances que les clients apprécient aujourd’hui.

Cette autre photo, c’était quand on a mis en tension le Glass Cockpit de l’ATR -600. Vous voyez que mes yeux sont aussi lumineux que les écrans, on se met à la place du pilote et vous voyez effectivement c’est un proto, les sièges ne sont pas tout à fait dans la définition de série.

2012, je m’étais rendu à Tarbes voir ce qui n’était encore à l’époque qu’un prototype, cela se voit bien sur un vieux TBM 700, on avait figuré ce qui était la future nouvelle aérodynamique qui a permis de gratter des nœuds et des nœuds pour faire du TBM 900 un avion, pas plus puissant, mais beaucoup plus rapide que le TBM 850. Et puis alors là, c’est un grand bonheur professionnel, c’est début 2014, c’était encore un secret, c’est d’aller prendre avec le chef pilote, Stéphane Jacques, la place gauche sur le premier de série, le numéro 1000 et de vérifier qu’effectivement il vole bien à 330 nœuds, qui était l’objectif poursuivi depuis 4 ans, et qui a contribué au succès de l’avion.

« mettez-vous à la place du client. »

Alors bien sûr cela marche aussi quand on fait autre chose que des avions, tout le monde sait bien que lorsqu’on dirige une entreprise il faut connaître son produit, connaître ses équipes, s’associer à la vision du produit et connaître évidemment son client, ses modes de pensée, ses attentes et si possible mettez-vous à la place du client. Alors, ça dépend des activités, on ne peut pas toujours être à la place du client, mais en tout cas, il faut instaurer le dialogue constant et intégrer ses besoins.

« retour d’expérience sur l’opération Barkhane »

Bien sûr, je continue chez NEXTER, avec l’armée de Terre, qui est d’ailleurs assez ouverte à partager ses besoins et qui a une culture de retour d’expérience comme dans l’aéronautique.

C’est ainsi que notamment, un des échanges que j’ai eu, c’était la chance de me rendre, en mars 2017, sur le théâtre d’opération Barkhane, au Niger, au Mali et au Tchad pour voir nos produits en action sur un vrai terrain de guerre, dans un contexte difficile, dans le cadre de la mission de lutte contre le terrorisme, où j’étais notamment bien encadré à bord d’un hélicoptère NH90, ou de voir nos véhicules blindés de combat d’infanterie à huit roues VBCI à Gao au Mali et de pouvoir discuter avec les opérateurs pour entendre ce qu’ils pensent et éventuellement réfléchir à ce qu’on peut faire mieux sur la prochaine génération.

Question de Jean-Luc KOCH : Est-ce que tu as eu l’occasion de piloter un char ?

Oui, pas un char, mais un blindé, parce que pour piloter un char il faut une qualification spéciale. Alors je suis allé dans un char en mouvement, à ce qui s’appelle « la place du chef », parce que dans un char il y a un tireur, un chef et un pilote. Alors moi, j’étais à la place du chef, et effectivement j’ai pu constater que cette masse de 56 tonnes démarre avec une énorme accélération pour se sortir d’un point de visée ennemie, et s’arrête également dans un mouchoir de poche grâce à un moteur, une turbine et des chenilles.

« La gestion de crise : »

Une des similitudes, quand on réfléchit au cas de : « en quoi c’est semblable d’être pilote d’avion ou pilote d’entreprise », il y a un des cas qui me semble extrêmement similaire dans les méthodes, dans les situations, qui est le cas des gestions de crises et notamment j’en ai connu plusieurs, notamment dans le secteur aéronautique.

« La conviction que vous pouvez mettre et la confiance dans votre produit »

En particulier, on a vu un cas en 2003, ou il y avait l’une des aubes de turbine d’un moteur de TBM Pratt et Whitney Canada qui avait révélé une faiblesse. Bon, je passe les détails : « il faut tout remplacer aux frais de la société, vous vous rendez compte, on ne peut plus voler là-dedans ! » Et alors je me rappelle un face-à-face avec un client, il m’avait dit : « Vous ! Est-ce que vous voleriez dans un avion comme ça avec votre femme et vos enfants ! » et j’ai répondu « Oui. C’est ce que je fais ! » et la conversation s’est arrêtée grâce, encore une fois, à la conviction que vous pouvez mettre et la confiance que vous avez dans votre produit.

Malheureusement, il y a les épreuves des accidents, qui sont rares mais qui existent, et qui sont des épreuves pour le constructeur.

« rendez-vous à l’aube dans la cellule de crise… »

Je m’en souviens de deux plus marquants que d’autres :

  • En 2008, un ATR, de la compagnie Santa Barbara au Venezuela avait loupé sa trajectoire au décollage et est rentré dans une montagne des Andes. Il n’y a malheureusement pas eu de survivant parmi les 46 personnes à bord. On m’a appelé au milieu de la nuit pour me dire rendez-vous à l’aube dans la cellule de crise… c’est un souvenir fort.
  • Le deuxième c’était en 2014, un des premiers TBM 900 de série, dont entre-temps le rapport d’enquête du NTSB, le BEA américain, est sorti. C’était un avion, parmi les premiers de la série 900, qui avait eu un problème de pressurisation et malheureusement le pilote était tombé en hypoxie et l’avion a continué sous pilote automatique jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de carburant, moment où il est tombé dans la mer.

J’ai suivi tout cela en direct, parce que la FAA nous avait appelés et je l’ai suivi sur Flight Aware en ne pouvant rien faire évidemment. Alors là, c’est assez dur, et on se pose des questions : d’où vient le problème ? Qui est responsable ?

Il y a eu bien sûr doutes des clients, question de confiance et alors qu’est-ce que j’ai fait ? Nous avons regardé à nouveau les dossiers, puis je me suis rendu à une réunion de pilotes propriétaires à La Nouvelle-Orléans et j’y suis allé en TBM, de Tarbes à la Nouvelle-Orléans. C’est déjà un grand bonheur de pilote, et ensuite je leur ai dit trois choses :

  • Évidemment, comme vous tous on est très tristes et très choqués de ce qui s’est passé.
  • Depuis que ça s’est passé, on a rouvert tous les dossiers de développement, dossiers d’essais, de certification.
  • Je suis tellement confiant dans l’avion, que j’ai traversé l’Atlantique avec notre TBM et à aucun moment je n’ai eu un problème.

« un manuel de gestion de crises, c’est une check-list.. » ….
« une cellule de crise …. c’est un cockpit »
« un travail en équipage, pour une entreprise il faut le manager, le responsable juridique, le responsable technique, le responsable communication … » 

J’en tire la leçon que c’est bien de s’impliquer personnellement pour afficher sa confiance et aussi ce que j’ai retenu c’est que les méthodes de gestion de crises sont de plus en plus nécessaires dans les entreprises, parce que la responsabilité sociétale de l’entreprise prend de plus en plus d’importance, avec des obligations de faire des rapports, de rendre compte de la façon dont on maîtrise les risques. Dans certains secteurs, plus que d’autres, quand il y a une crise, elle est énormément amplifiée, à la vitesse des médias et des réseaux sociaux. Par conséquent, dans une entreprise, il faut un vrai manuel de gestion de crises, c’est une check-list. Il faut une cellule de crise, celle dans laquelle on vous appelle au milieu de la nuit, il faut y descendre le lendemain matin, c’est un cockpit, et on a les informations qu’on peut avoir. Et puis il faut un travail en équipage, il faut le manager, le responsable juridique, le responsable technique, le responsable communication… et puis on gère.

« quand le CEO est pilote, les entreprises sont plus innovantes »
« quand vous choisissez votre prochain patron, vérifiez qu’il a bien une licence de pilote. »
« Quand il y a un CEO pilote dans le cockpit, c’est mieux pour la Bottom Line»,

Je me suis intéressé aussi, en préparant cette conférence, à un certain nombre d’articles et d’études qui portent sur le thème : est-ce que c’est bien d’avoir des CEO pilotes ? et j’ai trouvé une étude extrêmement sérieuse, dans le « Journal of Financial Economics », écrite par des chercheurs d’universités américaines et qui traite d’une étude qui s’appelle : Les pilotes CEO et l’innovation des entreprises.

La conclusion c’est que quand le CEO est pilote, les entreprises sont plus innovantes. Mesurée par le nombre de brevets, le nombre d’articles, le nombre de citations, l’efficacité d’innovation etc. Ils attribuent cela, c’est une constatation, au fait que les pilotes sont des personnalités qui recherchent des sensations et que la recherche de sensations combinée à la prise de risques et la recherche d’expériences nouvelles conduit à la créativité donc à une meilleure innovation.

Si cela vous intéresse, vous pouvez lire un extrait dans une revue qui s’appelle Stratégie plus Business où le journaliste est un peu plus positif et conclut : « quand vous choisissez votre prochain patron, vérifiez qu’il a bien une licence de pilote. » Et c’est marqué en dessous : « Les CEO qui sont pilotes dirigent des entreprises plus innovantes ». Un article, une étude qui est aussi dans un autre article de Plane&Pilot en 2018, dit : « Quand il y a un CEO pilote dans le cockpit, c’est mieux pour la bottom line», c’est-à-dire comme chacun le sait, le profit de l’entreprise. Et lui il cite une autre étude qui étudie la corrélation entre les CEO qui aiment prendre des risques à titre personnel et les politiques d’entreprises. Et donc là aussi c’est des chercheurs d’universités américaines, et ils disent : « on a étudié la performance de 179 CEO pilotes comparé à 2900 CEO non-pilotes entre 1992 et 2009.

C’est extrêmement sérieux et approfondi et alors ils ont dit que « les CEO qui ont une licence de pilote privé sont associés à des firmes, des sociétés plus risquées et en particulier des sociétés qui utilisent le plus l’effet de levier de financement et qui font le plus d’acquisitions »

Quand on y réfléchit, c’est moyen comme résultat, parce que : le risque et la performance, oui, et en théorie économique, si le risque est bien géré, quand on prend plus de risques on espère légitimement si c’est bien fait, une rémunération des investissements plus élevée.

« bulle, zénitude… je vole j’oublie tout »

Ce qui ne me plait pas trop dans ces études, et je pense que vous partagez, c’est que quand on dit finalement le pilote privé est une personne qui prend des risques. Je trouve ça assez déplaisant que finalement un pilote privé soit assimilé à une personne qui prend des risques, ou une personne qui aime les sensations fortes.

Nous, nous ne le voyons pas comme ça, si on demande pourquoi nous volons, on va peut-être répondre : « oui, bon, un peu d’adrénaline de temps en temps » mais ce qu’on répond c’est surtout : « le plaisir, la liberté d’être dans le ciel, la beauté des paysages, ou encore la maitrise technique, le plaisir de réussir un vol, de le préparer, de le réussir de bout en bout, les aspects pratiques du transport, le temps gagné, ou encore le côté bulle, zénitude : je vole j’oublie tout. » Excellent à mon avis pour la gestion du stress !

Pourtant il faut quand même avouer, c’est vrai, statistiquement l’avion privé est plus risqué que l’avion de ligne.

Et quand on imagine ces 2900 entreprises avec des patrons non-pilotes, le pilotage est sans doute plus risqué que d’autres hobbies de président que ce soit le golf, le bridge, la collection de bandes dessinées, l’Ukulélé ou enfin comme beaucoup d’autres, la collection de vin.

« Les CEO pilotes ne sont pas des casse-cous car on doit maîtriser le risque et cette approche par le risque concerne aussi bien le pilote que le patron d’entreprise ou le manager »

Alors si les pilotes ne sont pas des casse-cous finalement c’est que comme un bon CEO, on doit maîtriser le risque. Cette approche par le risque concerne aussi bien le pilote que le patron d’entreprise ou le manager.

Cela commence au moment de la formation et de la pratique, cela continue lorsque l’on conçoit, que l’on produit, que l’on maintient un produit.

Comme on l’a dit tout à l’heure, c’est une approche qui se développe de plus en plus en entreprise, qui est non seulement nécessaire mais obligatoire et qui est un outil de gestion et de pilotage des programmes de développement aussi bien en aéronautique, qu’en défense ou que beaucoup d’autres activités.

C’est un peu sous cet angle de la maitrise du risque, que j’ai voulu développer et montrer que quelle que soit l’étape dans la maitrise du risque, on a un peu les mêmes outils en entreprises et dans le cockpit. Cela commence, à mon avis, au moment de la prise de conscience, parce que pour maitriser, il faut être conscient, sinon on part et on ne sait pas où on va. Il faut être, par conséquent, conscient de la responsabilité qu’on a vis-à-vis de ses passagers, vis-à-vis de ses employés, même si évidemment, ce n’est pas de même nature entre les conséquences d’un accident d’avion et les conséquences d’un accident industriel, qu’on essaye d’éviter. C’est intéressant de noter que c’est le même terme utilisé : accident.

« L’anticipation des changements, à rester en avant de l’avion et prévoir les instants à venir… les dirigeants doivent s’en inspirer, pour ceux qui ne le feraient pas »

Cela commence aussi au moment de la formation – ce sont mes vrais manuels d’IFR sur la photo – donc qu’est-ce qu’on enseigne au pilote, l’anticipation, des changements, à rester en avant de l’avion et prévoir les instants à venir. Les dirigeants doivent s’en inspirer, pour ceux qui ne le feraient pas.

Si à un moment on est en vol ou on arrive au bureau le matin et on se dit : « Tiens, je n’ai rien à faire. », c’est sûr ! on est en train de louper quelque chose. Et donc il faut être en avant de l’avion comme il faut être en avant de ses concurrents et en avant de ses clients. Il faut savoir faire face au changement : une météo changeante, un concurrent qui change de stratégie. Il faut savoir faire face à une panne. Il faut savoir faire face à une difficulté ou à un échec technique dans l’innovation ou dans le développement d’un nouveau produit. Et dans les deux cas, il faut avoir mis en place des check-lists ou des processus.

Dans la tempête, pas de panique. « Fly the Plane » ou « dirige la société »,

On apprend aussi dans les écoles de pilotage que la concentration et l’attention permettent le calme dans l’action et dans les crises, on apprend à gérer le stress. C’est le cas dans la tempête, pas de panique : « Fly the Plane » ou « dirige la société », évalue la situation et agis.

Expérience et transmission des compétences

L’expérience réelle et réglementaire en avion, qu’elle soit totale ou récente, est importante. Il y a une analogie avec l’avantage d’être en entreprise et d’accumuler une expérience individuelle qui vient peut-être avec les années, mais aussi collective avec l’ensemble des compétences d’une entreprise. Il faut veiller particulièrement à la transmission des compétences et de l’expérience, notamment dans le cadre de renouvellement important d’effectifs.

« Exigence. Discipline. Rigueur. Rester Humble, accepter la critique et ne jamais cesser d’apprendre. »  Pour moi, c’est la même chose pour être pilote que pour être manager »

Après, il faut avoir des qualités pour être pilote ou pour être dirigeant et là je laisse la parole à l’escadron de chasse 3/30 Lorraine que j’ai d’ailleurs rencontré pour la première fois quand je faisais mon service militaire sur la base aérienne de Reims, à l’époque ils étaient sur Mirage F1.

Cela commence au moment de la formation et de la pratique, cela continue lorsque l’on conçoit, que l’on produit, que l’on maintient un produit.

Comme on l’a dit tout à l’heure, c’est une approche qui se développe de plus en plus en entreprise, qui est non seulement nécessaire mais obligatoire et qui est un outil de gestion et de pilotage des programmes de développement aussi bien en aéronautique, qu’en défense ou que beaucoup d’autres activités.

C’est un peu sous cet angle de la maitrise du risque, que j’ai voulu développer et montrer que quelle que soit l’étape dans la maitrise du risque, on a un peu les mêmes outils en entreprises et dans le cockpit. Cela commence, à mon avis, au moment de la prise de conscience, parce que pour maitriser, il faut être conscient, sinon on part et on ne sait pas où on va. Il faut être, par conséquent, conscient de la responsabilité qu’on a vis-à-vis de ses passagers, vis-à-vis de ses employés, même si évidemment, ce n’est pas de même nature entre les conséquences d’un accident d’avion et les conséquences d’un accident industriel, qu’on essaye d’éviter. C’est intéressant de noter que c’est le même terme utilisé : accident.

« L’anticipation des changements, à rester en avant de l’avion et prévoir les instants à venir… les dirigeants doivent s’en inspirer, pour ceux qui ne le feraient pas »

Cela commence aussi au moment de la formation – ce sont mes vrais manuels d’IFR sur la photo – donc qu’est-ce qu’on enseigne au pilote, l’anticipation, des changements, à rester en avant de l’avion et prévoir les instants à venir. Les dirigeants doivent s’en inspirer, pour ceux qui ne le feraient pas.

Si à un moment on est en vol ou on arrive au bureau le matin et on se dit : « Tiens, je n’ai rien à faire. », c’est sûr ! on est en train de louper quelque chose. Et donc il faut être en avant de l’avion comme il faut être en avant de ses concurrents et en avant de ses clients. Il faut savoir faire face au changement : une météo changeante, un concurrent qui change de stratégie. Il faut savoir faire face à une panne. Il faut savoir faire face à une difficulté ou à un échec technique dans l’innovation ou dans le développement d’un nouveau produit. Et dans les deux cas, il faut avoir mis en place des check-lists ou des processus.

Dans la tempête, pas de panique. « Fly the Plane » ou « dirige la société »,

On apprend aussi dans les écoles de pilotage que la concentration et l’attention permettent le calme dans l’action et dans les crises, on apprend à gérer le stress. C’est le cas dans la tempête, pas de panique : « Fly the Plane » ou « dirige la société », évalue la situation et agis.

Et alors qu’est-ce qu’ils disent pour être un bon pilote ?

Ils disent : « Exigence. Discipline. Rigueur. Rester Humble, accepter la critique et ne jamais cesser d’apprendre. » Pour moi, c’est la même chose pour être pilote que pour être manager. « Il faut respecter les procédures » – c’est marqué au deuxième paragraphe – check-list et manuels d’opérations pour les uns, lois et règlements, processus d’entreprise, code d’éthique, règles d’or de sécurité et bien d’autres.

Retour d’expérience

« Comprendre ses erreurs pour ne pas les répéter et pratiquer sans cesse ». Ça c’est évident, et c’est ce que disait Jean-Luc Lagardère, dans le groupe duquel j’ai eu la chance de travailler, qui admettait avoir fait des erreurs et il disait : « Ce n’est pas un problème à condition qu’on ne fasse jamais deux fois la même. » Et ça c’est une culture extrêmement forte en aéronautique avec les retours d’expériences, les rapports d’enquêtes. Oui, les erreurs c’est humain, cela existe mais jamais deux fois la même.

« Appliquer les règles de sécurité pour soi et pour les autres » : c’est la priorité numéro un, on la doit aux salariés. Et en plus quand on est dirigeant, on engage sa responsabilité. Sécurité du produit, c’est la même chose que précédemment, on doit la sécurité aux clients, on doit la sécurité à ses passagers et on est responsable. Les cas récents le montrent encore, on en discutait avec Michel Polacco tout à l’heure, un pilote comme un chef d’entreprise peut être accusé.

Finalement, « c’est une magnifique école, elle élève, elle grandit, mais elle réclame de l’implication, du travail et des capacités intellectuelles ». Pour moi, je peux dire ça aussi bien en tant que pilote qu’en tant que patron d’entreprise.

« Plan the Flight and Fly the Plan » c’est la même chose dans une entreprise :

Je continue ma petite liste : pour maitriser le risque, il faut l’analyser, par conséquent un vol cela se prépare, les Américains disent : « Plan the Flight and Fly the Plan ». C’est la même chose dans une entreprise : on fait des « Business Cases » avant de décider d’investir, on revoit les offres avant de les remettre aux clients, on fait des budgets, on fait des prévisions et ainsi de suite. Après il faut décider, et là, même similitude entre la nécessité impérieuse de décider. La solitude est aussi parfois associée, une fois qu’on a vu toutes les analyses, à la décision, qu’elle soit celle du commandant de bord ou celle du chef d’entreprise.

Go / No go

Les décisions : « go no go, j’y vais, j’y vais pas, je continue le vol, je m’arrête. Je lance un projet, je continue, je m’arrête ».

Alors après, une fois qu’on a décidé, il faut suivre et exécuter. Alors là, c’est même dans le mot qu’on a l’identité entre le tableau de bord d’entreprise et le tableau de bord d’avion. Et donc on développe dans les deux cas, la boucle vertueuse : je me fixe un objectif, j’agis pour atteindre cet objectif, ensuite je mesure le déroulement du plan par rapport à cet objectif, je mesure ma performance avec des indicateurs ou des cadrans et puis je boucle. C’est-à-dire en fonction de ce que j’observe, je fais évoluer les actions jusqu’à éventuellement remettre en cause les objectifs. C’est la même chose dans le cycle de contrôle de gestion d’une entreprise et aussi ce qu’on apprend aux commandes d’un avion, notamment avec le T basique quand on apprend l’IFR avec un avion à cadran.

On regarde, on agit sur les commandes, on regarde de nouveau et ainsi de suite.

Et enfin, toujours avoir un plan B, parfois même un plan C, bon il y a 26 lettres dans l’alphabet. Donc il faut d’abord qu’il existe et ensuite être capable de prendre la décision de l’adopter. Alors dans une entreprise il faut avoir une stratégie alternative, il faut qu’elle soit mise à jour et puis finalement il faut prendre la décision et encore une fois on reboucle sur la question de décision, c’est parfois ce qu’il y a de plus difficile à faire. Est-ce que je continue le projet ? Est-ce que j’arrête l’activité ? Est-ce que je ferme l’usine ? Est-ce que je me déroute sur un autre aéroport ? Est-ce je change de stratégie ?

Donc voilà les grandes similitudes que j’ai pu trouver et pour terminer puisque j’ai déjà passé beaucoup de temps.

« Quel plaisir de voler ! j’en ai envie tous les jours ! »

On me demande souvent si en tant que CEO j’ai encore le temps de voler. Alors cela doit surprendre les gens, parce qu’ils se font une idée particulière de ce que doit être le métier d’un CEO et de ce que doivent être les exigences de l’activité de pilotage, alors en général je leur réponds toujours : « oui, bien sûr, c’est mon hobby, c’est ma passion et dans la vie il faut autre chose que le travail et en plus je m’en sers pour voyager, c’est un gain de temps. » Mais alors ce que je ne dis jamais, mais à vous je vous le dis et je le pense toujours : « quel plaisir de voler : j’en ai envie tous les jours ! »

Merci pour votre attention, bons vols ! et surtout « Fly fun and safe ! »